Nouvelles :

La Banshee

     <><>La forme blanche tremblait dans un couloir obscur du sinistre château. Un long cri pitoyable et désespéré s’en échappa. Sa robe claqua autour d’elle et ses pas égarés se heurtèrent aux rats et aux armures rouillées qui jonchaient le sol poussiéreux. Elle lâcha le poignard sanglant qu’elle avait tenu crispé entre ses doigts blafards et de nouveau hurla. Il tomba dans un bruit terrible et éveilla des échos métalliques dans tout le château.

    La forme était une jeune femme d’une vingtaine d’années, aux longs cheveux bruns, encore plus pâle que sa robe. Ses yeux verts étaient si désespérés qu’ils en devenaient absents, vides…

<>Elle reprit sa course et sortit dans la cour. Le ciel était d’un gris étouffant, bas sur l’horizon. La nuit tomberait bientôt. Elle franchit le pont-levis et eut un nouveau hurlement qui donnait l’impression de n’être qu’un sanglot inarticulé.

<>Là-bas, assez loin sur la lande, les lumières du petit village devenaient de plus en plus vives à mesure que l’obscurité croissait. Cependant, la pleine lune semblait déterminée à prendre le relais du soleil et elle éclairait le paysage d’une lueur inquiétante.

    La jeune femme tourna soudain la tête. Un cavalier s’approchait d’elle. Elle se porta à sa rencontre. C’était un jeune homme qui devait avoir un peu moins de trente ans. Il portait une armure d’argent et une épée dans le fourreau suspendu à sa selle. Sa cape rouge semblait être sanglante dans la pénombre. Son visage noble et fier parut surpris en la voyant. Il la salua néanmoins et lui sourit galamment.

- Belle Demoiselle, lui dit-il, puis-je vous aider ? Vous semblez bien désolée sur cette lande oubliée. Puis-je vous emmener quelque part ?

    Elle eut un sourire qu’il ne vit pas.

- Bien volontiers, répondit-elle, je vous en remercie.

    Il descendit donc et l’aida à monter sur son cheval. Il grimpa ensuite derrière elle et prit les rênes. Le cheval se mit à marcher vers le village.

- Pourquoi êtes-vous si triste ? demanda le chevalier.

- Oh ! C’est une histoire affreuse, dit-elle d’un ton grave et solennel. Mon fiancé m’a trahie de la plus abjecte des manières. Alors, la veille de son mariage, j’ai pris son poignard et je me suis approchée de lui en lui disant de douces paroles. Il m’a souri et je l’ai poignardé dans le dos. Depuis, j’annonce la mort des gens.

    Le chevalier eut une exclamation d’horreur, il jeta la jeune fille de son cheval et partit au grand galop. Elle se releva et eut un long hurlement endeuillé. Le cheval se cabra, ses yeux devinrent fous. Le chevalier, épouvanté, éperonna sa monture jusqu’au sang.

   La femme courait sur la lande. Ses longs cris désespérés achevèrent de terroriser l’homme et son cheval. Ils partirent dans une longue course, non pas vers le village mais droit devant eux, au hasard.  Le chevalier voulut reprendre le contrôle de leur chevauchée mais il n’y parvint pas et se cramponna à la crinière. Ils grimpèrent sur une petite colline, toujours à une vitesse infernale.  Mais, après cette colline, il n’y avait rien, hormis une falaise où beaucoup beaucoup plus bas venaient se fracasser les vagues.

    Ils tombèrent et leurs hurlements d’horreur couvrirent un bref instant les longs cris plaintifs de la Banshee.

FIN

                                                                                                                                          

                                                                                                                                           Marie-Charlotte


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